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SABBAT

qui est beau, vers lequel afflue la vie par toutes les veines de la création ?

Ah ! fuyons l’Église où les pécheurs s’accusent, dans le raffinement abominable, et flagellent leurs fautes pour les entendre crier, autour d’eux, comme des bêtes non soumises et des filles de colère.

Que la joie vient vite à ceux qui ne veulent qu’elle !

Regarde-moi : dans ma séduction, mon âme trempe à peine le bout de l’aile. Ainsi l’hirondelle rapide dans le lac clair.

J’apprends qu’il est des cœurs qui battent plus vite et plus amoureusement à l’odeur du pain, des chevreaux qui suivent leur mère, des petits enfants qui veulent saisir dans leur main l’éclat de rire du soleil, des ruisseaux qui tombent l’un dans l’autre, dans un éblouissement de colliers confondus et de lumière partagée, des abeilles qui vont du buisson à la treille et qui ne savent jamais de quoi elles sont le plus soûles : de la rose ou du raisin.

Colombes qui ouvrez votre aile pour dire oui, chèvres qui avancez, au travers des herbes amères, votre tête aride et méchante pour dire oui, biches qui faites trembler la feuillée en disant oui, lionnes dont les flancs battent dans les brûlants déserts de l’instinct, saluez, en moi, la petite brute têtue et ardemment perfide qui ne cesse pas de crier : « Non ! » même sous le rythme qui rappelle le blé qu’on sème, la moisson qu’on fauche, la maison