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SABBAT

de rites absolument inesthétiques et désobligeants.

— Respecte ma pudeur, démone.

— Oui, Satan. Tu es la décence même, je le sais, et c’est pour cela que tu es si dangereux. Moi aussi, je suis la décence même…

— Satane !

— Voyons : Quelle importance peut avoir le… la…

— Passons…

— …Puisqu’il est la racine dont je suis la terre, la sève dont je suis la vigne, l’escalier dont je suis la tour, la récolte dont je suis le boisseau, le trésor dont je suis le coffre scellé par des mains qui ne l’ouvriront plus ?…

Vivre avec lui ? Vit-on, dans le sens restreint que l’on donne à ces mots-là, avec le Dieu qui vous fait mère de toute la vie, qui, par une puissance qui n’a pas de nom, vous offre les enfants qui passent et que vous caressez, les jardins que vous regardez avec les beaux soirs de vos yeux, les sources que vous écoutez chanter en ouvrant toutes les fenêtres de votre âme, les étoiles qui battent des paupières dans le grand silence d’argent ?

Face à face, nous ne sommes que de pauvres humains. En somme, les regards empêchent de se voir, les bouches de se goûter, les mains de s’étreindre, et l’on ne s’entend bien que, lorsque les oreilles ne sont que le pôle le plus vibrant de l’esprit. Mais, va, on est tranquilles quand on sent qu’on est enfoncés ensemble, comme la porte et la ser-