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SABBAT

démons qui rient, s’exaltent, frémissent de tout l’or irradiant de leur richesse physique parce qu’ils ont vu le Diable étinceler et vivre contre le Diable quand deux cymbales ont fait : zim ! de tout leur soleil chantant.

Peut-on imaginer la volupté sans le Diable, lui qui nous détourne si souvent de la volupté car la tentation est son jeu suprême ?

Concevons-nous un Michel-Ange qui n’a jamais, sur un échafaudage, surpris son Double, noir, pensif et formidable ?

Quant à moi, je suis sûre que si on supprimait le Diable, le Dante jetterait au vent sa couronne de laurier, car ne la promener, cette austère couronne, que devant la Sainteté organisée en hiérarchie et coiffée d’une auréole, n’est-ce pas, le Dante, ça ne vous dit rien ?

Lorsque je frissonne étrangement de la tête aux pieds parce qu’une couleur est d’un certain bleu et un fruit d’une certaine acidité mélancolique, je ne puis que songer au Diable qui habite le bleu ambigu de la couleur et qui, en riant, refuse au fruit l’abondance de suc qui le ferait sucré.

Le Diable est avare, parfois, et c’est une de ses séductions divines.

C’est lui la prunelle de notre œil et la glande sagace de notre mâchoire. C’est lui l’inspirateur de nos sadismes, ces élégances de nos sensations et leur déformation savante. Quelles sont notre ignorance et notre pauvreté quand nous ne faisons que manger