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SABBAT

voyons la tortue mêlée au fenouil, le moucheron à la pivoine, le soleil à ses milliards de reines de Saba aux cymbales insolentes, le lilas au printemps et la corne au chèvrefeuille, murmurons : « Voilà notre système divin », et, sous le bosquet tendre qu’entourent de leurs bras légers les filles du rêve, saluons Épicure et Job, Descartes et Isaïe, ce paisible Renan et ce démoniaque Josué, ce doux Platon et ce fort peu romanesque Taine, saint Augustin l’inquiet, et Confucius le sage, ce noble Kant et cette petite folle de M. de Voltaire, regardons-les tous s’embrasser en versant des pleurs idiots et ravissants, car depuis que le monde existe, erre, se bat, pleure, espère et souffre, la rose a toujours fleuri.

— Par Dieu et par le Diable, tu as raison.

— Surtout par le Diable. Dieu ? Eh bien ! je ne le trouve pas partout, partout. Quant au Diable, il n’y a pas un chapiteau, un voile de vierge, une cornue, une corolle, un cilice sous lesquels il ne m’ait souri. Si on supprimait le Diable, que deviendrait « l’autre rose », dans la poésie, celle que l’on cherche, sans fin, la corne au front, en nudité de faune ? Que nous importerait la science si nous ne lui voyions plus les yeux inquiets de Faust ? Daignerions-nous habiter nos Paradis si nous pensions qu’ils ne seront jamais traversés par le serpent ? Et si la musique ne nous ravissait que par l’orgue ou la harpe, nous serions saints, peut-être, mais non ces