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SABBAT

leur de feu coucheraient soit avec un galant, soit avec un scapulaire, il ne serait pas délivré. Au moins, la présence de Jeannine et d’Armande, celle-ci cousant, la tête coiffée de soleil, celle-là penchée sur l’âtre, la tête coiffée de flamme, l’empêche d’entendre gémir ou prier les autres pucelles rousses. Il respire un peu, mais il a, sur la langue, l’ardeur du piment rouge en regardant ses damnations.

Cet homme ne dort qu’en tremblant. Pendant qu’il serait à côté d’elle, comme un mort, sa femme, sa Berthe, sa rousse, pourrait penser qu’elle aurait pu épouser un petit homme blond au poil pauvre. Et si, le lendemain, il voyait trace de ce songe criminel dans les yeux de cette catin, il la tuerait, il la tuerait. Mais comme d’autres épouses couleur de feu font l’adultère mental, à toute heure, il ne serait pas délivré. Au moins, la présence de sa damnation qui mesure 1 m. 78 et qui est toujours à astiquer ses cuivres où elle se reflète trente fois, l’empêche d’entendre le péché cheminer, comme un solide vagabond, dans l’âme rousse des épouses rousses. Et bien qu’en effleurant la jupe de sa terrible Berthe, il soit mordu au flanc par le chien maudit qui a toujours, à la gueule, du crin de cilice, il respire un peu…

Tout en bras et jambes, ce cordonnier, ce brun, sec comme un fagot, bon pour la cagoule, grand à faire fuir les araignées des solives quand il se lève de son établi, le nez