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UN POÈTE

Ma mère, quand je venais de naître, ne cessa pas de murmurer, trois nuits durant : « Ce chat noir, ce chat noir, ce chat noir… » et son geste de blanche accouchée désignait mon berceau. J’y criais, je m’y agitais, extraordinairement, paraît-il, pleine, déjà, d’une vitalité étrange, et le mystérieux chat noir, au dire de ma mère, régnait contre ma joue, assis sur mon oreiller, ne me quittait pas des yeux, me témoignait une sollicitude jalouse, terrible et brûlante.

On s’inquiéta de l’état de ma mère : elle avait la fièvre, mais ses regards n’exprimaient aucune terreur quand, sous la mousseline du rideau, ils s’attachaient sur l’animal satanique et la petite fille qui ne cessait pas de se manifester par la tempête et qui était jolie comme une fleur méchante. La santé me couvrait de son venin doré… une boucle dansait sur mon front.

Puis, ma mère recouvra ses esprits, le chat