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LA NUIT DU CORDONNIER

Cet homme ne dort qu’en tremblant. Il a à surveiller les rêves de sa femme, les soupirs de ses filles, la sagesse de sa chatte. Que deviendrait-il s’il l’entendait miauler, celle-là, sa rousse, avec la voix de la chatte qui salue la lune dans les yeux du matou qui la désire ? Il la tuerait, il la tuerait. Mais comme d’autres chattes couleur de feu feraient le sabbat du défi, du guet et de la danse, sur le toit des voisins, il ne serait pas délivré. Au moins, la présence de sa chatte, la Moune, l’empêche d’entendre gueuler les autres, et sa damnation, quand il la voit couchée entre son pot de basilic et le bossu facétieux du chromo qu’accompagne le bénitier, il respire un peu, mais il a, dans chaque œil, un joyau de braise.

Cet homme ne dort qu’en tremblant. Ses filles, ses jumelles, ses rousses, ah ! si elles s’avisaient de s’amouracher d’un homme ou de Dieu, ils les tuerait, il les tuerait. Mais comme d’autres belles et hautes pucelles cou-