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SABBAT

qu’elle est adorable à entendre d’un lit d’amour où l’on est chaste et nu !…

— Ah ! voluptueuse !

— Voulez-vous que je vous dise ce que je cache dans cette vitrine ?… Sous mon sachet d’odeur, à côté d’un daguerréotype élégant et lointain — un homme aux cheveux noirs et plats — j’y cache… une provision d’arsenic. Je ne m’en servirai jamais, jamais, mais la présence du poison fait mes yeux plus beaux, plus graves que la pensée dorée et noire, dans un jardin de vieux palais. J’ai toujours chéri une certaine empoisonneuse. Celle pour laquelle c’est une façon d’aimer — vous comprenez ? — une façon d’aimer…

— Oui, je comprends.

— Elle lui disait : « Bois ! » et il buvait en la regardant avec méfiance et docilité. Avec docilité car elle était ténébreuse, avec méfiance car la voix de l’arsenic lui parlait, tout bas, dans le cristal pur…

— Ah ! criminelle !

— Quant au plaisir ? Non. Il épuise nos réserves cérébrales.

— Ah ! maudite !

— Si j’avais connu Pascal…

— Ah ! littéraire ! Mais tout ça va de concert. Une perversion ne quitte pas l’autre. Elles sont, ensemble, un collier si chatoyant, si rare ! La femme non pervertie…

— Pouah ! une femelle. Nos perversions, ce sont nos aristocraties.