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SABBAT

drap funéraire, à nous qui sommes des mortes qui marchons… J’aime, aussi, le cilice, notre couche de corde, notre bure, notre plainte, dans la chapelle, la nuit, quand Jésus se refuse, et, aussi, le réfectoire où, une fois par an, nous sommes enfantines à cause de la couleur d’une pomme, un jour de grande fête liturgique…

— Gagnez le Paradis avec tout ça, si vous pouvez, garces divines ! Quant à moi, je vous damne… Qu’aimez-vous encore ?

— L’Ange qui entre dans la cellule de Marie…

— Pardieu ! Gabriel… Ah ! oui, le beau Gabriel ! C’est mon double chéri. J’ai mes yeux rouges ou ses yeux bleus, mon aile noire ou son aile blanche, mon sceptre royal ou son humble lis d’argent…

Nonnes, je fais toutes les Annonciations !

Bonne nuit, Sœur sainte Alphonsine. Veillez bien la morte. —

…Bonne nuit, ma fille. Tu souris maintenant ?

— Oui, car je sais que Marguerite fut, comme moi, une maudite.

— Plus que toi, ma fille, plus que toi.

…Elle portait, au retour des vacances, un grand bouquet blanc, dans ses bras débiles, et allait le jeter…

— Je la trouvai, une fois, presque évanouie aux pieds de la Vierge rustique qui ressemblait à une rude gardienne de brebis… Le rossignol des coudriers chantait derrière la