Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
SABBAT

te rappelles-tu quand la réaction avait lieu, que le liquide bouillait et devenait angéliquement bleu, de ce bleu qui fait rire la salive entre les dents ?…

— Oui… Oui… Je me rappelle. Le bel œil vert de Marguerite prenait, alors, l’humide éclat de l’émeraude solitaire et farouche qui, dans la vitrine secrète, entre le chapelet de nacre et le poison médical, médite sur le sort des choses damnées.

Une fois, elle jeta un long cri, dans la salle de récréation hantée et nocturne, entre un saint Louis de Gonzague hystérique et la vitrine d’histoire naturelle où le système veineux saignait à côté des méduses et des ammonites. Elle jeta un long cri, cette sage… Le lendemain, elle courut, comme une folle, trouver le prédicateur de passage qui recevait avec mystère, au parloir, les enfants qui se croyaient prédestinées. Elle s’agenouilla, baisa les mains apostoliques — encore une toquade foudroyante et passionnée ! — et dit tout bas : « Mon père, venez à mon secours… »

— Ce prédicateur — ah ! ah ! ah ! — était vieux, digne et saint, mais il avait — regarde-moi bien, en ce moment — mes grands et noirs sourcils obliques…

— Toujours Satan !

— Toujours.

Montons dans la cellule de la morte.

— J’ai peur.

— C’est si bienfaisant d’avoir peur ! Quatre cierges brûlent autour de Marguerite.