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SABBAT

« Tout nous est tentation, n’est-ce pas ? Nous ne rêvons qu’écraser les étoiles, comme des raisins bleus, entre nos blanches dents… Tout nous invite à partir, à partir… Le galop de ta bête chérie, la Chimère, quand tu la chevauches, n’est, dans la nuit, qu’une étincelle…

Que tu es secrète, sainte Sorcière, lorsque tu fais silence, car les cieux te donnèrent leur douceur à garder, que tu es tendre quand tu portes l’odeur de ta robe légère et l’immatérialité des cygnes, au fil de l’eau, que tu es pure quand tu cherches ta route de cristal alors qu’il pleut sur les jeunes forêts, le soir !

Que tu es inquiétante, sainte Sorcière, quand tu passes, à ta main, le gant de mystère, quand tu poses, sur ton visage, le masque de caresse, quand, soudain, pareille à la goëlette étrangère, tu tangues, tu triches, tu siffles, tu fuis !

Que tu es solide quand tu contemples, au fond de l’horizon, ta puissance de vigne, que tu es forte quand tu soulèves dans tes bras le soleil couché sur l’espace vivant, que tu es jeune quand tu es pareille à l’écureuil qui gambade et ronge, au-delà de sa joie, au-delà de sa faim, que tu es grave, quand, dans le bois, la fauvette brune écoute pleuvoir ton cœur, sainte Sorcière !

Comme tu aimes tout plus qu’avec ton cœur puisque tu ouvres à tout ton âme parfumée, comme tu es belle quand tu traverses la multitude des étendards hostiles pour aller