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Pour toi, j’épands mon âme au seuil de ma demeure,
Je fais tomber sur moi l’ombre de mes cheveux,
Et les pleurs enivrés que, sur tes pieds, je pleure
Ne pourraient contenir dans la robe des cieux.

Oh ! toi, l’amer, le fort, le divin, le farouche,
Vois donc, dans mes sanglots, comme sont bien mêlés
Le baume de mon cœur et le sel de ma bouche
Et comme mon courroux fait mes yeux étoilés.

Je sens en moi l’attrait de l’amante immortelle,
Je suis l’urne du soir et de la nudité,
Je possède une ardeur grave, chaste et rebelle
Et l’auguste douleur qu’aime la volupté.

Je tombe, sur la nuit, lourde comme une rose
Après un jour de pluie ou d’odorant soleil,
Je me sens à jamais nouvellement éclose,
Et, légers, mes pieds nus entrent dans le sommeil…

Je te supplie, Amour, fais propice ta face,
Oh ! ne sois plus ce dieu qui frappe sans savoir,
Fais que du pas chéri j’accompagne la trace,
Fais que de l’homme aimé je connaisse le soir…