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Ô NUIT…


Ô nuit, je t’ai parlé tout bas et tu m’entends.
Voudras-tu m’exaucer, nuit, au nom du printemps,
Nuit de calme d’argent, de flamme bleue… Ivresse
Des forêts et des mers, des astres et des cœurs,
Nuit qui mêles la lune avec l’ombre des fleurs,
Ô nuit dont aurait pu se couronner la Grèce ?

Nuit, apporte ton souffle à sa porte et dis-lui :
« Assez un jeune amour vers ton visage a lui,
« Assez il a jeté vers toi son cri sonore…
« Voudras-tu d’un regard qui souffre et qui chérit,
« D’une bouche où passa l’âme du pré fleuri
« Et d’une nudité pure comme une amphore ?…

« Une femme te veut… Nulle nuit ne l’endort,
« Tu cours sous ses yeux clos ainsi qu’un fleuve d’or,
« Elle a soif, et toi seul peux lui donner l’eau vive,
« Elle pleure, et toi seul, cruel, peux l’apaiser,
« Elle baisse les bras comme un arbre brisé,
« Elle penche la tête ainsi qu’une captive…