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Tu ne sais pas combien on aime la tendresse
Qui vous rendit meilleure en vous faisant pleurer,
Et qui tomba, soudain, parmi votre jeunesse
Comme sur le matin un orage doré.

Ah ! tu ne peux savoir quelles larmes divines
Je rapporte des nuits où tout le ciel est nu
Sur le fleuve qui passe et les hautes collines
Et dans mes yeux d’amante à l’abîme inconnu…

Non, tu ne peux savoir… Et ce n’est pas ton heure…
Il te faut être jeune encor et bien longtemps…
Chercher, en t’enfuyant du seuil de ta demeure,
Où se trouve aujourd’hui la place du printemps…

Il te faut être jeune, insouciant encore,
Entendre allégrement l’orgue bohémien
Qui t’offrira l’Espagne avec sa voix sonore
Et d’où s’échappera le rire de Carmen.

Ah ! c’est plus tard, plus tard que tu sauras, sans doute,
Quand, las, quand, attendri, ton rêve aura goûté
La rancœur, la pitié, la vérité, le doute,
Le mensonge des yeux et de la volupté.