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À MA DOULEUR


Quoi !… vous vous réveillez, douleur, ma pauvre amie,
Ô vous que je croyais pour toujours endormie,
Avec vos beaux doigts joints sur votre cœur brisé !…
Je pensais, ô douleur, qu’à vos tempes meurtries,
Les sources du sang tiède étaient enfin taries,
Et que le désespoir vous l’aviez tout usé.

Pauvre, pauvre douleur, quoi ! vous êtes encore,
Vous avez agité votre collier sonore,
Et vous avez ouvert vos grands yeux sur le jour,
Et vous avez gémi d’une voix basse et vive,
Et vous avez pleuré d’être encor la captive
Du même déchirant et inutile amour.

Il a suffi d’un rien, ma pauvre sœur chérie,
Quelqu’un m’a dit : « Je vais gagner votre patrie,
Qu’envoyez-vous au fleuve, à ses quatre horizons,
À votre vent éclos comme un panier de roses,
À ces êtres connus, à ces fidèles choses,
À tous ces seuils de cœurs, de soirs et de maisons ?…