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Voir toute chose hostile, implacable et muette
Et l’homme que j’aimai qui détourne la tête.
Qu’ai-je donc fait hélas ! pour vivre des jours tels,
Et n’est-ce point assez que mes yeux soient mortels ?
Si, haut, elles étaient, par ma lèvre, exhalées,
Mes lamentations rempliraient les vallées,
Mon cœur se sent plus sombre et plus triste, en ses nuits,
Où règne, en tout leur air, toute leur ampleur brune,
La malédiction comme une pleine lune,
Que les bibliques cieux et les bibliques puits.

Pendant vingt mois, l’horloge, épiée à chaque heure
Ne me montra jamais une face meilleure,
C’est en vain, c’est en vain que j’attendrais demain,
Car ma vie est la même aux lignes de ma main,
Et j’en lis les destins comme une pythonisse.
Liée au bras, j’ai su l’horreur du sacrifice,
J’éprouvai l’autel froid et le glaive au seul coup
Qui brille, fait un cercle et rentre dans un cou…
Tous les tourments, toutes les douleurs de ce monde,
À la fois, ont clamé dans mon âme profonde,
Ma bouche a tout râlé, ma chair a tout souffert,
La guerre peut crier et crever des murailles,
J’eus tout son sang versé, j’eus toutes ses entailles,
Sa colère de cuivre et son frisson de fer.

Oui, j’eus tous les sanglots et toutes les misères,
Des grands malheurs humains j’ai su toutes les ères,