Page:Picard - L Instant eternel.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Se laver à pleine eau dans son humilité,
Être plainte, bien plainte, en la pitié complète,
Comme une bête en sang, comme une pauvre bête !…

Montrer tout son amour si cruel et si beau,
Et la place en sueur où s’abat le fardeau,
Crier : « On m’a réduite, oppressée, enchaînée,
Sur moi, comme un ciel bas, pesa la destinée,
Et je me suis maudite, hélas ! tant j’ai souffert,
J’ai mérité le ciel, j’ai mérité l’enfer,
Mon âme de courroux, tant j’étais insensée,
En mille éclats, comme un miroir je l’ai cassée…
Je me suis détestée et j’eus tant de douleur
Que j’en ai déformé le contour de mon cœur.
Si vous saviez combien je suis lasse, abîmée,
Moi qui passais mon temps à n’être pas aimée,
Moi qui me savais belle et tendre et les yeux pleins
De tous les soirs, de tous les pleurs, de tous les biens,
Moi qui m’exaltais toute en une foi divine,
Et, puis, qui fus si lâche en toute ma poitrine,
Moi qui voulus le mieux, le pire, en mon esprit,
Moi qui vécus, la vie, à jamais, sans répit !…

L’amour m’a fait sentir sa force volontaire,
Sa main m’a remuée ainsi que de la terre,
Ah ! comme j’ai chéri l’homme que j’ai chéri,
Il fut mon eau courante et mon arbre fleuri,