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Vous comprendriez, soudain, que mon cœur fut pour vous
L’arbre haut, le flot long, le vent vif, le fruit doux,
Qu’il fut la pluie avec ses belles larmes vertes
Et la forêt avec ses cent portes ouvertes.

Qu’il surpassa, ce cœur, dans l’instant sans pareil,
L’éclat de Salomon et l’éclat du soleil,
Et qu’il fut tout semblable, en sa mortelle gloire,
Au héros qu’ont touché le sang et la victoire.

Ah ! vous sauriez, soudain, quels fardeaux j’ai liés,
Quels bois j’ai parcourus et quels dieux j’ai priés,
Dans quelle éternité j’ai mis l’heure incertaine,
Et de quel son nouveau j’ai prolongé la peine…

Vous sauriez, tout à coup, quels rêves j’ai menés,
Quels grands rêves captifs, gémissants, enchaînés,
Partout où vous passiez indifférent et sombre,
Partout où le soleil était beau de votre ombre.

Vous sauriez, tout à coup, tout ce que j’ai gémi,
Le soir, l’éternel soir où je n’ai pas dormi,
Où lasse, sans appui, sans orgueil, solitaire,
J’ai regardé la mort et sa robe de terre…