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Vois comme j’ai souffert parce que tu fus belle,
Vois comme j’ai gémi d’avoir goûté ton jour,
Car il s’écoule, ô vie ineffable et cruelle,
De tes blancs doigts ouverts, le douloureux amour.

Mets dans mon foyer gris la face du silence,
Guéris-moi de la lune et du trop prompt espoir,
Que la robe de l’ombre à mon seuil se balance,
Que ma lampe s’allume avec la paix du soir.

De la vertu, de la mesure, vie, ô vie,
Que mon cœur soit encor, mais qu’il n’en souffre plus,
Je ne peux pas toujours être triste, asservie
Ainsi qu’un flot captif dans la loi du reflux.

Ma bonne volonté je te la donne toute,
Je fuirai le désir, le cri vif du matin,
Et je n’irai jamais regarder sur la route
Ce que promet d’amour un nuage lointain.

Pour ne plus sangloter tant de mon âme amère,
Je veux te consentir tous les renoncements,
Je serai sans colliers, sans chansons, sans chimère,
Et mon cœur sera seul avec ses battements.