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LE PAUVRE CŒUR


La vendange passait en portant des corbeilles,
La lumière ronflait à l’entour des fruitiers,
Un arbre était tout blond de soleil et d’abeilles
Et l’églogue aux pieds d’or marchait dans les sentiers.

Mais j’ai fermé les yeux pour me conserver sage,
J’ai dit au beau matin de ne pas me toucher,
Du vent épars pouvait naître le cher visage
Qui fut mon mal sublime et mon divin péché.

J’ai supplié la vie, ardemment, et si lasse…
« Ne sois plus tendre, ô vie… Assombris ta clarté…
Ne sois plus le tilleul tombé sur la terrasse,
Ne sois plus la fleur pourpre et l’averse d’été.

Ne sois plus le joyeux et naïf paysage,
Tout en lignes d’azur, tout en flocons légers,
Oh ! ne sois plus le saule épars sur le rivage,
L’automne mûrissant à l’odeur des vergers.