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Ah ! je peux, cette fois, vivre un mensonge ardent
Dans cette ombre en tumulte et l’ampleur de l’espace…
Nuit, accorde-le moi… nuit propice… pendant
Qu’une rose s’effeuille et qu’une valse passe…

Je le veux, car, jamais, je ne peux l’avoir mieux,
Car cette heure est profonde et le parc solitaire,
Car, jamais, je n’aurai ces deux larmes aux yeux
Et tant de passion ne remuera la terre… »

Je l’eus… Les violons s’épuisaient de douceur…
Il s’approcha paré de la splendeur du monde :
« Ô fantôme chéri, tu fus vrai pour mon cœur
Dans le chant du feuillage et l’unique seconde… »

Encor plus véhément et plus prodigieux,
Le concert éclatait de force exaspérée…
Et, soudain, dans un choc superbe et furieux,
La musique brisa sa grande voix sacrée.

Sous le charme éprouvé, longtemps, je demeurai…
L’âme des violons fuyait dans l’eau lointaine…
Dans l’odeur du silence et de l’air je pleurai…
Et, même, encor, ce m’est une ivresse certaine