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Et je vous appelais dans un courroux plus fort
Que toute la forêt qui ployait sur ma tête.
Et je vous appelais en donnant à la mort
Mon désespoir d’amante et mon sang de poète !…

Je te l’ai demandé, musique au masque noir,
Qui déchirais mon cœur sous ton archet lyrique,
Toi qui me révélais, dans l’angoisse et le soir,
Un amour plus poignant que ta voix, ô musique !…

Je vous l’ai demandé, violons extasiés,
Vous qui peupliez la nuit d’une harmonie immense,
Et telle, violons, que quand vous vous taisiez,
Tout pénétré de vous, gémissait le silence.

« Donnez-le moi, disais-je, ô souverain moment,
Ô sombre, ô violent, ô grave paysage !…
Qu’il soit tragique et beau, qu’il soit comme l’amant
Qui souffre, qui sourit et penche son visage…

Donnez-le moi, douleur… vastes cieux agités
Par le vent, la musique et l’appel de mon âme…
Que vainement, hélas ! ne soient pas sanglotés
La plainte des hautbois et le cœur d’une femme !…