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« Vous êtes le mystère et l’arche des étoiles,
« Vous êtes l’infini sur le songe entr’ouvert,
« Vous êtes la beauté de l’urne et de l’amphore,
« Vous êtes la fraîcheur des puits et de l’aurore,
« Vous êtes l’océan et vous êtes amer…

« Mon cher amour, faites-moi mal, je vous en prie,
« Avec tout cet azur, toute cette eau qui crie,
« Avec l’éclat des lis et l’ombre des étangs,
« Avec tout le jardin saturé de printemps.
« Oh ! faites-moi gémir d’être si consentante,
« Faites-moi sangloter, amour, puisque je chante,
« Soyez cruel, soyez joyeux, soyez blessé,
« Oui, quoi que vous fassiez, vous serez caressé ;
« Je veux vous louanger, tout en pleurs, tout en fièvres,
« D’avoir des yeux si longs, si câlins, si jaloux,
« Je veux vous louanger, vous, ô vous, d’être vous,
« Et d’avoir un baiser, cher, puisque j’ai des lèvres…

« Mon amour, mon amour, qu’exigez-vous de moi ?…
« Vous êtes si farouche… et j’en ai tant d’effroi…
« Vous êtes mon Seigneur et vous avez des armes,
« Et vous allez vouloir les larmes de mes larmes,
« Vous allez m’enlacer de tout votre courroux,
« Me laisser, vainement, supplier vos genoux,
« Vous allez m’appeler, me fuir, m’attendre encore,
« Et rire, tout à coup, d’une voix qui m’implore…