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REVANCHE


Mon âme vous resta tout entière ignorée,
Vous n’en avez pas su les lumineux frissons,
Si pareils aux frissons d’une plaine dorée
Quand le soleil est mûr au-dessus des moissons.

Vous n’avez pas compris que je suis plus poète
Qu’une fontaine bleue au milieu d’un bois vert,
Ou que l’ombre mouillant un cœur de violette,
Ou que le ciel des nuits renversé sur la mer.

Vous n’avez pas surpris dans ma voix un murmure
Où les ruisseaux nouveaux mettent leur jeune espoir,
Et vous n’avez pas vu que, sur ma chevelure,
Les arbres recueillis pleurent l’odeur du soir.

Vous n’aurez pas senti que ma main s’émerveille
De suivre les contours du songe harmonieux,
Et que mon esprit va, de même qu’une abeille,
Se poser, tout vibrant, sur les lèvres des dieux.