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d’après sa correspondance

Le séminaire des missions étrangères est la grande école où l’apôtre, avant d’aller combattre les combats de Jésus-Christ, vient apprendre à mourir pour le nom, pour la gloire et l’amour de Dieu. En franchissant le seuil de cette maison, le futur missionnaire se dépouille de tout ce qu’il a de plus cher au monde. Il meurt d’abord à sa famille ; il la quitte, et vraisemblablement c’est pour toujours ; il ne lui appartient plus. Il meurt à sa patrie ; bientôt il ira sous d’autres cieux où rien ne lui rappellera le pays natal. Il faut enfin qu’il meure à lui-même, c’est-à-dire à toutes les délicatesses de l’âme et du corps, car il devra vivre sans asile assuré, sans une pierre où reposer sa tête, et peut-être sans confident et sans ami.

Le séminariste des missions étrangères, pour vaincre la nature et allumer dans son cœur la flamme qui ne s’éteindra plus, se soumet à une vie de sacrifice. Ses journées s’écoulent avec des maîtres qui sont allés eux-mêmes jusqu’aux extrémités du monde, porteurs de la bonne nouvelle. Il se pénètre de la vie des saints et des martyrs qui ont occupé sa place avant lui ; il contemple et admire ces instruments de toutes formes dont les bourreaux se sont servis pour donner la mort ou faire subir d’horribles tortures. Dans la salle des martyrs sont les glaives qui ont frappé ses frères, les cangues et les chaînes qu’ils ont portées, les cordes et les fouets qui ont déchiré leur chair ; les linges teints de leur sang. Cette vue le familiarise avec l’idée des supplices et le prépare, avec la grâce de Dieu, à supporter sans défaillance même le martyre.

Dans ce saint asile l’abbé Ridel trouva le bonheur. Cependant la joie d’être à Dieu seul ne l’empêcha pas de sentir l’amertume de la séparation et le vide