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canons manœuvrèrent dans le champ des morts. Des bivouacs furent établis dans cette sombre enceinte, consacrée à une paix éternelle. Des feux militaires allumés à l’entour des tombes monumentales, éclairaient, de leur lueur lugubre, cette dernière demeure des Parisiens.

Dans la journée du 30 mars, cette position du père La Chaise fut attaquée vigoureusement par deux divisions russes toutes entières. Que pouvait, contre des forces aussi supérieures, la faible garde placée autour de la maison du jésuite ? Elle fut obligée de céder : cependant ce ne fut pas sans une résistance opiniâtre de la part des braves Français, postés au cimetière du père La Chaise pour défendre ce point important. Assaillis deux fois par les troupes fraîches envoyées par le général Barclay de Tolly, ils les repoussèrent deux fois, et ce n’est qu’à la troisième que le Russes restèrent maîtres du cimetière. Le sang français avait coulé, sans doute ; mais celui de l’ennemi rougit aussi cette terre monumentale, et plus d’une tombe déposée dans le cimetière atteste, par les caractères russes qui y sont gravés, que plusieurs officiers périrent à l’attaque de la colline de Mont-Louis. Le résultat de cet avantage, remporté par le nombre sur la valeur, fut la possession de la batterie de canons qui était établie dans le cimetière, et la prise de cette position facilita beaucoup aux Russes celle du village de Charonne.

Paris ayant capitulé le soir, les Russes restèrent à Mont-Louis, et bivouaquèrent à leur tour dans cette enceinte sacrée. On s’en aperçoit facilement ; car la plupart des arbres qui formaient la grande allée du midi au nord, ont été coupés ou mutilés par eux, pour faire du feu. Nous nous étonnons que, deux années s’étant écoulées depuis cette dévastation, on n’ait point encore replanté ces arbres, qui feraient, par la suite, l’ornement du cimetière, et jetteraient de l’ombrage sur les