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les religieux tourmentés par la faim veulent retourner dans leur premier monastère. Mais, à la voix de leur jeune abbé, des provisions arrivent, et après elles de nombreux disciples parmi lesquels se trouve le vertueux Técelin. La Vallée-d’Absinthe, désignée dès-lors sous le nom de Claire-Vallée, devient un des foyers les plus ardents de la lumière divine. Son nom retentit dans toutes les parties du monde catholique, car de celui qu’elle a reçu s’échappe une vertu qui subjugue grands et petits, papes et évêques, seigneurs et vilains.

Je n’entreprendrai point d’écrire la glorieuse vie du célèbre abbé de Clairvaux ; cette biographie, ou plutôt cette histoire du xiie siècle, appartient à la plume d’un éminent écrivain dont les ouvrages ont excité l’admiration de l’Europe chrétienne. Qu’il sera beau de voir ce pauvre moine si humble, si débile, sortir de sa solitude pour rédiger les statuts des Templiers et pour pacifier l’Église troublée par le schisme ! Subjuguées par sa voix douce et persuasive, par les miracles qu’il opère d’un signe de croix, les populations s’entassent sur son passage pour le voir, pour le toucher, pour lui arracher un fil de sa robe ! Une seule de ses lettres apaise la fureur des rois, tandis que sa science confond le téméraire Abailard. Plus tard, lorsqu’il peut à peine se tenir debout, il trouve des forces pour prêcher la croisade à plus de cent mille hommes. Se nourrissant de la Bible et se désaltérant de l’Évangile, ce moine, tout à la fois apôtre et prophète, sait pourtant s’isoler au milieu