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MÉDITATION III.

donner une fête ; elle devait se terminer par un souper, et il en avait demandé le menu,

Le maître d’hôtel se présente à son lever avec une belle pancarte à vignettes, et le premier article sur lequel le prince jeta les yeux fut celui-ci : cinquante jambons. « Eh quoi, Bertrand, dit-il, je crois que tu extravagues ; cinquante jambons ! veux-tu donc régaler tout mon régiment ? — Non, mon prince ; il n’en paraîtra qu’un sur la table ; mais le surplus ne m’est pas moins nécessaire pour mon espagnole, mes blonds, mes garnitures, mes… — Bertrand, vous me volez, et cet article ne passera pas. — Ah ! monseigneur, dit l’artiste, pouvant à peine retenir sa colère, vous ne connaissez pas nos ressources ! Ordonnez, et ces cinquante jambons qui vous offusquent, je vais les faire entrer dans un flacon de cristal pas plus gros que le pouce. »

Que répondre à une assertion aussi positive ? Le prince sourit, baissa la fête et l’article passa.

influence de la gastronomie dans les affaires.

21. — On sut que chez les hommes encore voisins de l’état de nature, aucune affaire de quelque importance ne se traite qu’à table : c’est au milieu des festins que les sauvages décident la guerre ou font la paix : et, sans aller si loin, nous voyons que les villageois font toutes leurs affaires au cabaret.

Cette observation n’a pas échappé à ceux qui ont souvent à traiter les plus grands intérêts : ils ont vu que l’homme repu n’était pas le même que l’homme à jeun ; que la table établissait une espèce de lien entre celui qui traite et celui qui est traité ; qu’elle rendait les convives plus aptes à recevoir certaines impressions, à se