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mage de Septmoncel, trois pommes de Calville et un pot de confitures.

Enfin, la bonne approcha une petite table ronde, telle qu’on en avait autrefois et qu’on nommait guéridon, sur laquelle elle posa une tasse de moka bien limpide, bien chaud, et dont l’arome remplit l’appartement.

Après l’avoir siroté (siped), le curé dit ses grâces et ajouta en se levant : « Je ne prends jamais de liqueurs fortes ; c’est un superflu que j’offre toujours à mes convives, mais dont je ne fais aucun usage personnel. Je me réserve ainsi un secours pour l’extrême vieillesse, si Dieu me fait la grâce d’y parvenir. »

Pendant que ces choses se passaient, le temps avait couru, six heures arrivaient ; madame R*** se hâta donc de remonter en voiture, car elle avait ce jour-là à dîner quelques amis dont je faisais partie. Elle arriva tard, suivant sa coutume ; mais enfin elle arriva, encore tout émue de ce qu’elle avait vu et flairé.

Il ne fut question, pendant tout le repas, que du menu du curé, et surtout de son omelette au thon.

Madame R*** eut soin de la louer sous les divers rapports de la taille, de la rondeur, de la tournure, et toutes ces données étant certaines, il fut unanimement conclu qu’elle devait être excellente, C’était une véritable équation sensuelle que chacun fit à sa manière.

Le sujet de conversation épuisé, on passa à d’autres et on n’y pensa plus. Quant à moi, propagateur des vérités utiles, je crus devoir tirer de l’obscurité une préparation que je crois aussi saine qu’agréable. Je chargeai mon maître-queux de s’en procurer la recette avec les détails les plus minutieux, et je la donne d’autant plus volontiers aux amateurs que je ne l’ai trouvée dans aucun dispensaire.