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APHORISMES

petites reprises, si je n’avais exhumé le mot français siroter, auquel on donnait à peu près la même signification.

Je m’attends bien que les sévères vont crier à Bossuet, à Fénelon, à Racine, à Boileau, à Pascal, et autres du siècle de Louis XIV ; il me semble les entendre faire un vacarme épouvantable.

À quoi je réponds posément que je suis loin de disconvenir du mérite de ces auteurs, tant nommés que sous-entendus ; mais que suit-il de là ?… Rien, si ce n’est qu’ayant bien fait avec un instrument ingrat, ils auraient incomparablement mieux fait avec un instrument supérieur. C’est ainsi qu’on doit croire que Tartini aurait encore bien mieux joué du violon, si son archet avait été aussi long que celui de Baillot.

Je suis donc du parti des néoloques, et même des romantiques ; ces derniers découvrent les trésors cachés ; les autres sont comme les navigateurs qui vont chercher au loin les provisions dont on a besoin.

Les peuples du Nord, et surtout les Anglais, ont sur nous, à cet égard, un immense avantage : le génie n’y est jamais gêné par l’expression ; il crée ou emprunte. Aussi, dans tous les sujets qui admettent la profondeur et l’énergie, nos traducteurs ne font-ils que des copies pâles et décolorées.

J’ai autrefois entendu, à l’Institut, un discours fort gracieux sur le danger du néologisme et sur la nécessité de s’en tenir à notre langue, telle qu’elle a été fixée par les auteurs du bon siècle.