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À l’instant la sensation lumineuse disparut, je me sentis déchoir ; les limites de mon intelligence se rapprochèrent ; en un mot, je redevins ce que j’étais la veille. Mais, comme j’étais bien éveillé, ma mémoire, quoique avec des couleurs terres, a retenu une partie des idées qui traversèrent mon esprit.

Les premières eurent le temps pour objet. Il me semblait que le passé, le présent et l’avenir étaient de même nature et ne faisaient qu’un point, de sorte qu’il devait être aussi facile de prévoir l’avenir que de se souvenir du passé. Voilà tout ce qui m’est resté de cette première intuition, qui fut en partie effacée par celles qui suivirent.

Mon attention se porta ensuite sur les sens ; je les classai par ordre de perfection, et étant venu à penser que nous devions en avoir autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, je m’occupai à en faire la recherche.

J’en avais déjà trouvé trois, et presque quatre, quand je retombai sur la terre. Les voici :

1° La compassion, qui est une sensation précordiale qu’on éprouve quand on voit souffrir son semblable ;

2° La prédilection, qui est un sentiment de préférence non-seulement pour un objet, mais pour tout ce qui tient à cet objet ou en rappelle le souvenir ;

3° La sympathie, qui est aussi un sentiment de préférence qui entraîne deux objets l’un vers l’autre.

Ou pourrait croire, au premier aspect, que ces deux sentiments ne sont qu’une seule et même chose : mais ce qui empêche de les confondre, c’est que la prédilection n’est pas toujours réciproque, et que la sympathie l’est nécessairement.

Enfin, en m’occupant de la compassion, je fus conduit à une induction que je crus très-juste, et que je n’aurais pas aperçue en un autre moment, savoir : que c’est de