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l’ami. — Mais vous déshéritez vos amis, vos connaissances, vos contemporains. En aurez-vous bien le courage ?

l’auteur. — Mes héritiers ! mes héritiers ! j’ai ouï dire que les ombres sont régulièrement flattées des louanges des vivants ; et c’est une espèce de béatitude que je veux me réserver pour l’autre monde.

l’ami. — Mais êtes-vous bien sûr que ces louanges iront à leur adresse ? Êtes-vous également assuré de l’exactitude de vos héritiers ?

l’auteur. — Mais je n’ai aucune raison de croire qu’ils pourraient négliger un devoir en faveur duquel je les dispenserais de bien d’autres.

l’ami. — Auront-ils, pourront-ils avoir pour votre production cet amour de père, cette attention d’auteur, sans lesquels un ouvrage se présente toujours au public avec un certain air gauche ?

l’auteur. — Mon manuscrit sera corrigé, mis au net, armé de toutes pièces ; il n’y aura plus qu’à imprimer.

l’ami. — Et le chapitre des événements ! Hélas ! de pareilles circonstances ont occasionné la perte de bien des ouvrages précieux, et entre autres de celui du fameux Lecal, sur l’état de l’âme pendant le sommeil, travail de toute sa vie.

l’auteur. — Ce fut sans doute une grande perte, et je suis bien loin d’aspirer à de pareils regrets.

l’ami. — Croyez que des héritiers ont bien assez d’affaires pour compter avec l’église, avec la justice, avec la faculté, avec eux-mêmes, et qu’il leur manquera, sinon la volonté, du moins le temps de se livrer aux divers soins qui précèdent,