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peut donc être cette autre chose, Apollonius ? Car, sur l’éléphant, je ne vois que cet enfant, et rien de plus. — Cet animal est de tous le plus docile ; et lorsqu’une fois il a appris à obéir à l’homme, il souffre tout de l’homme, et il se fait à toutes ses volontés ; il aime à recevoir sa nourriture de la main de l’homme, comme font les petits chiens ; il le flatte de sa trompe, souffre qu’il mette sa tête dans sa gueule, et la tient ouverte autant de temps qu’il plaît à l’homme, ainsi que nous l’avons vu chez les nomades. On dit que la nuit il lui arrive de déplorer sa servitude, non pas avec son cri habituel, mais avec une voix triste et lugubre ; et que, si l’homme survient tandis qu’il se plaint ainsi, l’éléphant se tait, comme par pudeur. C’est donc cet animal, Damis, qui se gouverne lui-même ; c’est sa nature docile qui le conduit, bien plutôt que celui qui le monte et le dirige. »

XII. Arrivés à l’Indus, nos voyageurs virent, disent-ils, un troupeau d’éléphants qui traversaient le fleuve ; et on leur dit que, parmi les éléphants, les uns vivent dans les marais, les autres dans les montagnes, d’autres dans les plaines. On les prend pour la guerre : à la guerre, ils portent des tours qui peuvent contenir jusqu’à dix et quinze Indiens ; de ces tours les Indiens lancent des flèches et des javelots comme du haut des murailles d’une ville. L’éléphant lui-même se sert de sa trompe comme d’une main pour lancer, lui aussi, des javelots. Autant l’éléphant de Libye surpasse en hauteur les chevaux niséens, autant l’éléphant de l’Inde surpasse celui de Libye. Quant à la longévité des éléphants, plusieurs en ont parlé ; mais nos voyageurs nous affirment avoir vu dans Taxiles, la plus grande des villes de l’Inde, un éléphant que les habitants de ce pays couvraient de parfums et de bandelettes : c’était un des éléphants qui avaient combattu pour Porus contre