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Barbares, le séjour des dieux. » Et en même temps il levait les yeux vers le sommet de la montagne. Mais Apollonius, le ramenant à ce qu’il avait d’abord voulu lui demander : « Pouvez-vous, dit-il, Damis, me dire ce que vous avez compris des choses divines, depuis que vous marchez ainsi près du ciel ? — Rien, je l’avoue. — Quoi ! vous voici près de cette œuvre immense et divine, et vous n’avez pas à émettre d’opinion plus claire sur le ciel, sur le soleil, sur la lune, que vous croyez peut-être pouvoir atteindre du bout de votre bâton ! — Je ne sais rien de plus sur la divinité aujourd’hui qu’hier, et pas une idée nouvelle ne s’est présentée à mon esprit sur ce sujet. — Alors, Damis, vous êtes toujours dans les basses régions, et il ne vous sert de rien d’être sur ces hauteurs : vous êtes aussi loin du ciel aujourd’hui qu’hier. J’avais donc raison de vous faire la question que je vous faisais tout à l’heure, et que vous avez prise pour une plaisanterie. — Cependant, Apollonius, j’espérais descendre plus savant de cette montagne : car j’avais entendu dire qu’Anaxagore de Glazomène , et Thalès de Milet[1] avaient observé les choses célestes, l’un du haut du Mimas en Ionie, l’autre du haut du Mycale, voisin de sa patrie. On dit que le mont Pangée a servi d’école à quelques-uns, et le mont Athos[2] à d’autres. Et moi, qui ai gravi la plus haute de toutes les montagnes, je descendrai sans avoir rien appris. — Ce qui vous arrive leur est arrivé, reprit Apollonius. En effet, que voit-on de ces observatoires ? Le ciel plus bleu, les astres plus grands, et le soleil se levant du sein de la nuit ; mais les bergers et les chevriers en savent autant. Quant aux soins que Dieu prend

  1. Anaxagore , philosophe du ve siècle avant J.-C ; Thaïes, du vie siècle.
  2. Le Pangée, l’Athos, montagnes de Thrace.