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tourés d’un large fossé, qu’ils ont rempli d’eau en détournant le cours d’un fleuve, et cela, dit-on, afin de se mettre en sûreté contre les incursions des Barbares de la Cissie. Toute cette terre est arrosée d’eaux bitumineuses, dont l’amertume rend le terrain peu propre aux plantations. Les hommes n’y ont pas une longue vie : le bitume, mêlé à l’eau qu’ils boivent s’attache à leurs entrailles. Ils tirent leur nourriture d’une colline qui est sur la limite de leur bourg et qui s’élève au-dessus de la plaine infertile ; ils l’ensemencent comme un champ. Selon la tradition répandue dans le pays, le nombre des Erétriens faits prisonniers par les Perses était de sept cent quatre-vingts ; tous n’étaient pas en état de porter les armes, car il y avait dans ce nombre des femmes, des vieillards et sans doute aussi des enfants. La plus grande partie de la population d’Érétrie s’était enfuie sur le mont Capharée et sur les plus hautes montagnes de l’Eubée. Il n’y eut que quatre cents hommes, et peut-être dix femmes, qui furent transportés en Cissie ; les autres périrent pendant le voyage de l’Ionie et de la Lydie à la haute Asie. La colline leur ayant fourni des carrières, et plusieurs d’entre eux étant habiles ouvriers, ils bâtirent des temples à la manière des Grecs, tracèrent une agora suffisante pour la réunion d’un si petit nombre d’hommes, et dressèrent deux autels à Darius, un à Xerxès plusieurs à Daridée[1] ; ce prince régna quatre-vingt-huit ans, d’après le calcul des Grecs, après la captivité des Érétriens. Sur leurs tombeaux on lit : « Un tel, fils d’un tel » ; les caractères sont grecs, mais nos voyageurs disent qu’ils n’en avaient pas encore vu de semblables. Ils ajoutent qu’ils ont vu encore des vaisseaux sculptés sur les tombes de ceux qui, en Eubée, avaient été bateliers, pé-

  1. Voyez les Éclaircissements historiques et critiques.