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phosé en cet endroit. Ils ont en vénération un laurier, celui-là même qui fut le fruit de cette métamorphose. Le temple est entouré d’un cercle de cyprès d’une hauteur extraordinaire, et de ce lieu jaillissent des fontaines abondantes et tranquilles, où l’un dit que se baigne le dieu. C’est là, assure-t-on encore, que poussa le premier cyprès, qui était autrefois un jeune assyrien du nom de Cyparisse, et la beauté de l’arbre donne du crédit à cette métamorphose. Peut-être trouvera-t-on que je manque à la gravité de mon sujet en m’arrêtant à conter toutes ces fables. Mais ce n’est pas là mon objet. J’arrive à ce qui l’est réellement. Apollonius fut frappé de voir combien l’aspect du temple était charmant, et combien ce temple était négligé : il était abandonné a des hommes ignorants et demi-barbares. « Ô Apollon, s’écria-t-il, change ces muets en arbres, afin qu’ils rendent du moins quelque son, comme ces cyprès ! » Puis, remarquant que les fontaines étaient calmes et qu’aucune d’elles ne faisait entendre le moindre murmure : « On est si muet en cet endroit, dit-il, que les ruisseaux mêmes ne font pas de bruit. » Et encore, en regardant le Ladon : « Ta fille n’est pas seule métamorphosée, tu l’es toi aussi, puisque de Grec et d’Arcadien, tu es devenu Barbare. » Quand il se fut mis à enseigner, il évita les lieux fréquentés et tumultueux, disant que ce qu’il lui fallait, ce n’étaient pas des corps, mais des âmes d’hommes ; il fréquenta les lieux solitaires et les temples qui ne se fermaient pas. Au lever du soleil, il faisait en secret certaines cérémonies, auxquelles il n’admettait pas d’autres témoins que ceux qui avaient observé le silence pendant quatre ans. Le reste du temps, s’il était dans une ville grecque, et si les rites observés en cet endroit lui étaient connus, il l’employait à s’entretenir sur les dieux avec les prêtres rassemblés, et à les redresser s’ils s’écartaient de la tradition.