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LE GOUVERNEUR DE CILICIE.

et de passions déréglées. Ayant un jour entendu vanter la beauté d’Apollonius, il quitta brusquement ce qu’il faisait (il présidait un tribunal à Tarse), et vint en toute hâte à Égées, prétextant une maladie et disant avoir besoin du secours d’Esculape. Il rencontra Apollonius qui marchait solitaire ; et, l’abordant, il lui dit : « Recommandez-moi au dieu. — Mais, répondit Apollonius, qu’avez-vous besoin de recommandation si vous êtes homme de bien ? Les hommes vertueux n’ont pas besoin d’introducteurs pour que les dieux leur fassent accueil. — C’est que vous êtes déjà l’hôte du dieu, Apollonius, et que je ne le suis pas encore. — Ce qui m’a valu cet honneur, c’est que j’aime la vertu : c’est par là que, autant qu’il est permis à un jeune homme, je suis le serviteur et le familier d’Esculape. Si vous êtes également attaché à la vertu, vous pouvez en toute confiance vous présenter au dieu et lui adresser votre prière. — C’est ce que je ferai, par Jupiter, mais laissez-moi d’abord vous en adresser une. — Qu’avez-vous à me demander ? — Ce qu’on demande aux beaux objets, c’est-à-dire qu’ils vous admettent au partage de leur beauté, et ne vous envient pas leurs charmes. » En parlant ainsi, il prenait un air voluptueux et ses yeux étaient gonflés par la luxure. Comme il continuait, et disait tout ce que disent les hommes infâmes et perdus de son espèce, Apollonius lui lançant un regard courroucé : « Vous êtes un fou, dit-il, et un misérable. » Puis, comme à cette parole le gouverneur avait frémi de colère, et avait même menacé de lui faire trancher la tête, Apollonius se mit à rire. « Oh ! s’écria-t-il, un jour viendra… » Et trois jours après, ce débauché fut égorgé sur la route même par des bourreaux, pour avoir conspiré contre les Romains avec Archélaüs de Macédoine. Tous ces faits, et quelques autres du même genre, sont rapportés par Maxime d’Égées,