Page:Philostrate - Apollonius de Tyane, sa vie, ses voyages, ses prodiges, 1862.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

exagérer l’importance de ce rhéteur que de croire que, sans lui, Apollonius eût été ignoré. Assurément ce n’est pas l’ouvrage de Philostrate qui a valu à son héros les honneurs divins. Il a pu perpétuer jusqu’à nous le nom d’Apollonius de Tyane, mais ce n’est pas lui qui a répandu ce nom dans l’antiquité, ni qui a donné à ce personnage la physionomie sous laquelle il nous apparaît. Parce que Philostrate a mêlé bien des fictions au récit de la vie d’Apollonius, ce n’est pas à dire que toutes ses fictions viennent de lui, ni que tout soit fiction dans son récit.

Depuis le XVIe jusqu’au XVIIIe siècle, la critique n’a guère envisagé Apollonius de Tyane avec un esprit impartial. Le merveilleux dont sa biographie est remplie ayant paru propre à être tourné contre les Évangiles, les écrivains préoccupés des périls de la foi n’ont parle de lui qu’avec mépris et indignation. Pour les uns, c’est un fourbe, un imposteur, et tout les prodiges que lui attribue Philostrate sont autant de mensonges[1] ; pour les autres, c’est un magicien qui a fait pacte avec le diable, et qui, par ce détestable commerce, a réussi à étonner et à séduire les hommes[2]. D’un autre côté, les philosophes du XVIIIe siècle, Voltaire à

  1. Le savant Alde Manuce hésita longtemps avant de donner la première édition de la Vie d’Apollonius de Tyane, et ne triompha de ses scrupules qu’en ayant soin de publier en même temps la Réponse d’Eusèbe à Hiéroclès, c’est-à-dire, comme il dit lui-même (Préface), de donner après le poison le contre-poison. Apollonius est un fourbe pour l’abbé Du Pin (Histoire d’Apollonius convaincue de fausseté), et pour M. Rohrbacher (Hist. univ. de l’Église catholique).
  2. Artus Thomas (Notes à la traduction de Blaise de Vigenère) ; Pic de la Mirandole (de la Prescience) ; Bodin (Démonologie, p. 18, 193) ; Baronius (Annales ecclésiastiques) ; Tillemont (Hist. des empereurs) ; Fleury (Hist. ecclésiastique) ; le P. Possevin (Bibliothèque choisie) ; Bossuet (Traité de l’Apocalypse) ; l’abbé Freppel (les Apologistes chrétiens, 2e partie, p. 106).