Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.

aux grands roucoulements de l’amour. Elle s’augmentait et se troublait dans la qualité même de son sang, comme si quelque lourd poison eût pénétré dans son cœur pour en épaissir les battements. Un oiseau qui passe, une fleur bleue, un petit coup de la brise, l’atteignaient au bon endroit et, sans qu’elle en eût, lui faisaient jaillir un soupir. Il y avait dans sa chambre une gravure teintée qu’elle regarda bien des fois. C’était Ophélie. Assise et les cheveux dénoués, dans lesquels des pâquerettes tordues dessinaient une sorte de couronne, Ophélie, vêtue de sa robe flottante, les coudes sur les genoux, maniait le bluet, le coquelicot, la primevère, toute la ferblanterie des sentiments qu’on voit aux gravures dans les chambres des vierges, et levait encore les yeux au ciel. Sa lèvre était tendue. Sa bouche semblait dire : Voilà, j’ai cueilli la plus fraîche des fleurs et je vous la tends. Marie s’arrêtait devant cette image, la considérait longtemps, apprenait d’elle que les jeunes filles peuvent être mises en peinture et je ne sais quel transport qui fait qu’on ramasse les fleurs de la lande et qu’on