Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/294

Cette page a été validée par deux contributeurs.

voyant. Puis il lui toucha la main du doigt, avec une façon de hasarder quelque chose. Elle le laissa faire et ne bougea pas, comme si elle eût craint de donner un autre cours à sa présence. Ensuite il alla à la joue, râpant un peu, appréciant le grain de la peau. Alors, pour se justifier, il dit :

— Tu as la joue toute froide.

Elle leva les yeux avec un mouvement qu’elle tenait prêt. Pendant un instant, ils n’avaient rien à dire. Elle était vêtue d’une robe gros-bleu, mais on ne savait jamais avec elle, à cause de ses yeux. Elle les étendait soudain l’un et l’autre, s’accentuait alors, s’ouvrait toute, comme un golfe où les voiles sur les barques sont déjà tendues. Elle était vêtue de deux yeux. Jean la découvrit, en somme. Depuis ses cheveux qu’elle relevait au-dessus de son front, parmi toute la peau si blanche de son visage, une ligne, un reflet, un sentiment adoucissait la forme de ses mâchoires, et lorsqu’on en arrivait à sa bouche, il semblait qu’elle fût là pour accompagner ses yeux et pour en accroître le langage.