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comment j’ai mangé de la chair humaine : on la laisse faisander, elle a le goût du chevreuil. Ne craignez rien. Le ciel est épais là-bas, le cœur est simple et direct. On perd l’Europe et la délicatesse, on est un homme blanc, on est une race qui s’étend.

Elle entendit cela et se prit à y croire avec une foi qui la porta d’un coup auprès du Congo, dont elle ne savait rien qu’un nom de fleuve et qu’elle imaginait déjà avec des pirogues, avec des gondoles, avec des noirs, avec un hamac où elle attendrait son amant, à l’ombre de la véranda.

Ils se donnèrent d’autres rendez-vous au même endroit. C’était, dans le sous-sol d’un café du Quartier Latin, ce qu’on nomme un bar américain, le goût s’y prenait à des fantaisies, l’après-midi s’y éclairait d’un jour bas dont on cherchait longtemps l’origine. On y gagnait comme une idée mathématique de boire, on y buvait des mélanges et des combinaisons, on y remuait son verre et sa soucoupe et, parmi leur tintement, on s’éveillait, on disait un mot, on riait, on se mettait à tinter.