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Le pêcheur et le poisson

Un pêcheur, habitué à prendre mieux avec sa ligne, tira de l’eau un tout petit Poisson. Après qu’il eut amené son captif sur la rive et dégagé son hameçon de sa gueule avide : épargnez-moi, je vous prie, lui dit, en versant des larmes, le Poisson suppliant. Quel profit tirerez-vous de tout mon être ? Ma féconde mère vient de me produire dans le creux d’un rocher et m’a envoyé jouer dans nos domaines. Cessez de vous montrer hostile, et laissez-moi grandir pour figurer sur votre table ; vous pourrez me repêcher sur ces bords. Bientôt, après m’être abondamment repu dans les eaux de l’immense Océan, je reviendrai, plus gras, mordre volontairement à votre hameçon. Le Pêcheur réplique qu’il n’est pas permis de rejeter à l’eau le poisson pris, et allègue l’imprudence de compter sur des chances incertaines. Et si c’est une sottise, ajoute-t-il, de laisser échapper la proie qu’on tient, c’est une sottise plus grande encore d’espérer jamais la reprendre.