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blancs, tandis que les huttes abritaient leurs esclaves. Grâce à une lettre d’introduction que m’avait donnée le curé, je fus parfaitement bien reçue. Tout dans cet établissement était organisé de manière à me faire croire que je me trouvais déjà au milieu des sauvages.

La maison était précédée d’un grand vestibule qui conduisait dans quatre pièces, dont chacune était habitée par une famille blanche. Toutes ces pièces n’avaient pour mobilier que quelques hamacs et quelques nattes de paille. Les blancs étaient accroupis à terre et jouaient avec les enfants ou s’aidaient mutuellement à se débarrasser de la vermine dont ils étaient couverts. La cuisine touchait à la maison et ressemblait à une vaste grange ouverte de tous côtés. Dans l’âtre qui en occupait presque toute la longueur, il y avait beaucoup de feux allumés. Au-dessus de ces feux étaient suspendus de petits chaudrons, et sur les côtés on avait fixé des tourne broches pour faire rôtir des viandes qui cuisaient moins par le feu que par la fumée. La cuisine était remplie de monde ; on y voyait des blancs, des pouris et des nègres ; des métis de blancs et de pouris ou de pouris et de nègres ; véritables échantillons des mélanges les plus divers de ces trois principales races.

La cour fourmillait de poules, de canards et d’oies aux belles couleurs ; j’y aperçus aussi trois gros porcs et des chiens affreux. Sous des cocotiers et des tamarins chargés de superbes fruits, des blancs et des hommes de couleur étaient assis isolément ou par groupes, occupés la plupart à assouvir leur faim. Les uns avaient devant eux des pots cassés ou des citrouilles dans lesquelles ils pétrissaient à pleines mains des fèves cuites et de la farine de manioc ; et quoique cela fît une pâtée peu appétissante, ils la mangeaient avec beaucoup d’avidité. D’autres se nourrissaient de viande qu’ils dépeçaient à l’aide de leurs doigts et qu’ils se fourraient dans la bouche avec des poignées de