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tresse, de les avoir vendues aux riches qui s’étaient réfugiés dans la forteresse, aux prix les plus exorbitants. On prétend que ces malheureux furent obligés de payer ces vivres presque au poids de l’or. Après la reddition de la forteresse, le général retourna en Espagne, sa patrie, chargé d’immenses richesses.

Depuis la déclaration de l’indépendance, il y a eu tant de révolutions dans le Pérou qu’une tranquillité de deux ou trois ans est regardée comme une chose rare, et que l’on ne fait déjà presque plus attention aux mouvements politiques. Toutes les révolutions ont été provoquées jusqu’ici par l’armée. Les officiers supérieurs, convoitant la dignité de président, cherchaient à gagner les soldats, et c’est ainsi que commençaient les troubles. Au moment de mon arrivée, le pays était encore soulevé, et cette révolution était la première qui eût été provoquée par les citoyens. Elle avait commencé l’année précédente au mois de septembre. Elle avait pour cause la mauvaise administration des revenus de l’État, qui s’étaient accrus considérablement depuis la découverte du guano (engrais d’oiseau) non-seulement dans les îles de Chincha, mais dans d’autres îles[1] ; malgré cet accroissement de richesse, le gouvernement ne se préoccupait ni d’augmenter le bien-être général, ni d’amortir la dette publique. On reprochait au président actuel de détourner une grande partie des revenus du pays, tant à son profit qu’au profit de ses partisans. Pour y parvenir plus facilement, il avait publié que l’État payerait les mémoires non acquittés du temps des anciennes révolutions, les fournitures de vivres, satisferait aux demandes d’indemnités,  etc. Ceux qui avaient à réclamer de telles créances n’y pensaient

  1. On a calculé que, dans les îles de Chincha seules, il y a des provisions de plus de 12 millions de tonneaux de guano. Le gouvernement vend le guano pour son propre compte, en Europe et dans l’Amérique du Nord, et gagne, par tonneau, de 15 à 25 dollars.