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mon second voyage

et plusieurs nuits de suite. Cette malheureuse habitude fut cause que mon compagnon ne put trouver de poisson.

Nous passâmes la nuit dans un des wig-wams. Je couchai dans une hutte avec plusieurs femmes. Il manqua cette nuit-là arriver malheur à mon compagnon : il fut près d’être assassiné. Un pressentiment, comme il me dit le lendemain, l’avertit de se tenir sur ses gardes : il ne se fiait pas aux indigènes, et il avait demandé une hutte pour y dormir seul. Le sentiment de son peu de sûreté l’empêcha de dormir : ce fut son salut. Au milieu de la nuit, en effet, il entendit, dans les branches avec lesquelles il avait fermé l’entrée de la hutte, un bruissement léger ; il regarda : un Indien s’était glissé à quatre pattes dans la hutte, et était sur le point de se redresser et de tirer un couteau. Le matelot s’élança aussitôt, lui présenta un pistolet et le menaça de le tuer. L’Indien s’en alla, l’assurant qu’il était venu seulement pour voir si l’étranger avait assez de bois pour entretenir son feu.

On dit que les Indiens sont fourbes, astucieux, avides de vengeance et lâches, et qu’ils ne cherchent à tuer les blancs que quand ils les trouvent isolés. Mais comment ces pauvres gens pourraient-ils se venger autrement des blancs bien armés, de cette race orgueilleuse dont ils ont tant à souffrir ? La vengeance est dans la nature de l’homme. Que ferait un blanc si on le traitait comme il traite les pauvres sauvages ? Dans cette petite étendue de terre que je parcourus, je vis plusieurs wig-wams détruits et brûlés ; les Indiens en avaient été chassés avec violence par des colons blancs, parce qu’ils ne voulaient pas abandonner de bon gré leur sol natal. Les blancs séduisent leurs femmes et leurs filles, et, s’ils n’y réussissent pas, les enlèvent de force. Pendant que j’étais à Crescent-City, il se passa un fait semblable. À trois milles de la ville, quelques Américains s’étaient établis comme farmers (fermiers). Un indigène, qui se rendait à la ville, vint à passer