Page:Pfeiffer - Mon second voyage autour du monde, 1857.djvu/373

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
361
autour du monde.

souvent dans les rues des attaques ou des assassinats nocturnes. La police est si mal organisée, qu’il n’est pas facile de découvrir les voleurs ; et les châtiments sont si faibles, que personne ne les craint : presque toutes les condamnations sont de quelques semaines d’emprisonnement ; les assassins eux-mêmes peuvent facilement échapper. Le meurtrier va ordinairement trouver le juge, lui raconte l’affaire à sa manière, affirme naturellement qu’il n’a commis le crime que pour sa légitime défense ; et s’il sait bien prendre le juge (s’il lui donne de l’or), souvent il ne passe même pas par la prison.

Pendant mon séjour à San-Francisco, un monsieur, que je connaissais personnellement, blessa son domestique d’un coup de pistolet ; la balle était entrée dans le côté, et la mort n’avait pas été instantanée ; cependant au bout de trois jours, on n’avait pas encore trouvé la balle. Le monsieur alla chez le juge, avoua son crime, et déclara ne l’avoir commis que pour se défendre. Il dit que son domestique avait l’habitude de boire, et que, le voyant en état d’ivresse, il lui avait donné son congé. L’ivrogne, irrité, lui avait répondu qu’il ne voulait plus rester à son service, mais qu’avant de quitter sa maison, il le tuerait : « Oui, avait-il ajouté, je vous tuerai, ou vous me tuerez ; » et le domestique avait accompagné ces paroles d’un geste menaçant : alors le maître avait pris un pistolet et avait tiré sur son domestique. Le meurtrier fut mis en prison pendant un jour, et le lendemain remis en liberté sous caution, et sur sa parole de ne pas sortir de la ville.

Je quittai San-Francisco peu de temps après, et je ne pus connaître le dénouement de l’histoire ; mais on m’assura que, quand même le domestique mourrait, le maître ne serait condamné qu’à quelques semaines de prison.

Il y a deux ans, on dit que c’était encore bien autre chose, qu’en plein jour même la vie n’était pas en sûreté. Était-on fâché, avait-on une dispute avec quelqu’un,