Page:Pfeiffer - Mon second voyage autour du monde, 1857.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
358
mon second voyage

pluie, et que les cavaliers attachent leurs chevaux contre les maisons sur les trottoirs, si bien que, pour s’en garer, les pauvres piétons sont réduits à s’enfoncer dans la boue. Il y a une telle liberté, qu’elle devient quelquefois dangereuse. Ainsi, un matin, comme je me promenais dans la ville, un passant me cria : « Un ours ! un ours ! » Je ne savais pas ce que cela pouvait signifier, et je ne pensais guère que, dans les rues d’une ville aussi populeuse, on pût rencontrer un ours. Je regardai donc de tous côtés : un ours venait effectivement derrière moi et n’était plus qu’à deux pas de moi, si bien que je n’eus que le temps de me jeter de côté. L’animal était, à la vérité, attaché par une corde à une charrette ; mais la corde était si longue, qu’il pouvait aller à droite et à gauche de la chaussée, au milieu des passants : le conducteur ne se donnait pas même la peine d’avertir.

Une course ou une promenade à San-Francisco est, à mon avis, une pénitence. Dans le quartier appelé la ville de commerce, on peut à peine se frayer un chemin à travers la foule des piétons, des cavaliers, des charrettes et des voitures. Dans les quartiers et dans les endroits où les rues ne sont pas couvertes de planches[1], on enfonce dans le sable jusqu’à la cheville ; en outre, on a toujours la vue perpétuellement uniforme et nue des montagnes de sable : il est vrai que celui qui ne trouve son bonheur que dans l’argent peut se mettre au-dessus de toutes ces considérations, et finir par oublier qu’il y a des arbres et des tapis de gazon encore plus beaux que les tapis d’une table de jeu couverte d’or.

On dit qu’au printemps les environs changent d’aspect, et que le sable aride se couvre d’une flore très-belle et

  1. Il y a des routes aux abords de la ville, qui sont couvertes de planches sur une longueur de plusieurs milles.