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que l’on jugea à propos de lui donner un gouvernement spécial[1].

Ainsi les Anglais, c’est triste à dire, venaient de nous donner l’exemple de la manière dont nous pouvions tirer parti de nos propres possessions. Mais ils s’attachaient en même temps à nous en ôter les facilités. En effet, s’ils nous rendaient, par le traité de Paris (1763), la Guadeloupe, la Martinique, Marie-Galante, la Désirade, plus une des îles neutres, Sainte-Lucie, ils nous réduisirent, sur les côtes d’Afrique, à nos comptoirs de Gorée et de Juda, en vue de nous empêcher de rivaliser comme autrefois avec eux pour le commerce de la traite. Alors donc qu’il aurait fallu réparer les pertes de la guerre et donner un plus grand développement à l’exploitation du sol, la traite française était presque anéantie et à reconstituer entièrement. Les Compagnies et les particuliers paraissent renoncer à la faire, le gouverneur de la Martinique se hasarde à demander que le roi y emploie ses propres vaisseaux. Mais le Ministre trouve ce projet inacceptable ; il est d’avis que, « si les colons manquent de nègres, c’est que les nègres anciens ne sont pas encore payés[2] ». Voilà bien encore la confirmation de ce que nous avons indiqué plus haut (p. 62). Les deux questions sont connexes. En effet, les habitants

    tant cette opulence s’était opérée dans un espace de quatre ans et après les désastres qui avaient miné le pays. » Arch. Col. Note des Cartons de la Guadeloupe, 1763. Il n’y a, d’ailleurs, aux Archives Coloniales aucun document sur la domination anglaise. — « En 1758, les Anglais la prirent, et il faut convenir que ce fut eux qui l’arrachèrent au néant, tant par le développement des cultures que par la construction du port de la Pointe-à-Pitre. » Arch. Col. F, 267, mémoire de Parmentier. — Voir encore B, 116, Martinique, p. 1, Lettre ministérielle de MM. de Fénelon et de la Rivière pour qu’ils admettent dans la colonie l’introduction de 250 noirs, que les sieurs de Ponthieu. négociants à Londres, doivent y faire passer.

  1. Arch. Col., F, 71. Instruction du 24 octobre 1771 aux sieurs Darland et de Peynier : « On a reconnu alors les ressources de cette colonie et les vraies causes de son ancienne langueur, et lorsqu’elle a été rendue à la France par le traité de Paris, on l’a soustraite à la dépendance (de la Martinique) en lui donnant des chefs particuliers. »
  2. Cf. Arch. Col., B, 119, Martinique, p. 42. Lettre du 10 juin 1764 au marquis de Fénelon. — B, 121, Saint-Domingue, p. 55. Lettre du 5 mai 1765 au comte d’Estaing pour rejeter sa proposition de tirer des nègres de la Jamaïque.