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lui viendront par celle voie. Précisément, à la faveur des hostilités, les flibustiers de la Martinique sont entrés dans la rivière d’Eskipe, auprès du Paria de la terre ferme, à environ 200 lieues au vent de cette île, pour y détruire une colonie hollandaise. En deux fois ils ont pris 480 esclaves, tant Indiens que nègres, « ce qui a fait beaucoup de bien à la colonie », car u les nègres seraient à un prix excessif sans ces sortes d’aventures[1] ».

En effet, la Compagnie de l’Assiente se voyait de plus en plus dans l’impossibilité de tenir ses engagements. Aussi, à l’expiration de son contrat, renonça-t-elle à son privilège. On sait que ce furent les Anglais qui en héritèrent lors du traité d’Utrecht : il leur fut accordé pour trente ans, à partir du 1er mai 1713. Ils allaient donner un développement extraordinaire à la traite. Le xviiie siècle marque aussi un redoublement d’activité de la part des Français pour le commerce des esclaves ; il ne fut cependant jamais en proportion des besoins des colons. Dès le 20 septembre 1713, pour remédier aux conséquences de la guerre, dont les colonies n’avaient pas peu souffert et qui fit passer aux Anglais notre île de Saint-Christophe, une ordonnance royale rendit la traite libre pour les négociants du royaume, moyennant un droit de 30 livres par nègre importé à Saint-Domingue, et de 15 livres pour ceux qui seraient portés aux Îles-du-Vent[2]. Mais, les habitants de la Martinique ayant demandé la permission d’envoyer des bâtiments à la côte de Guinée[3], le

  1. Arch. Col., C8, vol. XVII. Lettre de M. de Vaucresson, 18 avril 1709. Un mémoire de M. de Gabaret, daté de 1710 et contenu dans le même volume, nous apprend qu’il y avait alors à la Martinique 1.000 à 1.200 flibustiers, sur lesquels on pouvait compter à l’occasion.
  2. Moreau de Saint-Méry, II, 404. Ces conditions ne sont pas indiquées dans ladite ordonnance ; mais elles sont spécifiées au début de la déclaration du 14 décembre 1716, comme conséquence de l’ordonnance de novembre 1713. Voir Moreau de Saint-Méry, II, 435.
  3. Cf. Arch, Col., C6, vol. IV. Mémoire du 15 mai 1714. Mgr de Pontchartrain, ayant supprimé la Compagnie de Guinée, n’a accordé que 12 permissions par an pour tout le royaume. C’est insuffisant, car il faudrait au moins 10.000 nègres.