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le prix des nègres est élevé à un taux excessif pour les habitants des Antilles et qu’en revanche ceux-ci font hausser le prix des marchandises au détriment de tout le public. Un autre inconvénient est causé par « le désordre plusieurs fois réitéré des diverses Compagnies du Sénégal », ce qui, dans l’intervalle, fait forcément négliger la traite.

Aussi, pour remédier à l’insuffisance du nombre d’esclaves importé par la Compagnie du Sénégal, le roi établit, en 1685, la Compagnie de Guinée[1]. Elle devait fournir annuellement 1.000 nègres, et obtenait la gratification de 13 livres, un privilège d’une durée de vingt ans, et le monopole de la traite, « à la réserve toutefois de la Compagnie du Sénégal ». D’autre part, le roi demande aux administrateurs Blenac et Begon si ce n’est pas trop de 2.000 nègres ; « un nègre pièce d’Inde vaut au moins aux îles 6 milliers de sucre ; ce serait sur ce pied, pour 2.000 nègres, 12 millions, et ainsi, quand il s’en ferait aux îles 20 millions, qui est la plus grande quantité qui s’y puisse faire, il n’en resterait plus aux habitants que 8 millions pour leur subsistance et celle de leurs familles[2] ». Mais Blenac et Dumaitz de Goimpy répondent bientôt après que ce n’est pas trop, et qu’il restera aux habitants « bien au-delà de 8 millions de sucre[3] ». Ils semblent parler ainsi pour les besoins de la cause. En tout cas, nous constatons dès à présent que l’achat des esclaves absorbe au moins la moitié du produit de beaucoup le plus important des Antilles. C’est là un fait à retenir en passant, car nous aurons l’occasion de montrer plus en détail, par la suite, la cherté du travail servile. Suivant un autre Mémoire[4], certains nègres valaient même déjà jusqu’à 9.000 livres de sucre, et les moindres 5.000. Aussi les acheteurs avaient-ils besoin de délais pour le

  1. Moreau de Saint-Méry, I, 409.
  2. Arch. Col., B, 11, p. 83. Lettre du 1er mai 1685.
  3. Ib., F, 142.
  4. Ib., C8, 4. Mém. de Blenac et Dumaitz de Goimpy, administrateurs de la Martinique, 1er octobre 1685.